La Guerre Froide était principalement une guerre d’information. Et le meilleur moyen d’en récolter sur un pays est d’y envoyer quelqu’un. Mais que faire si l’espion est capturé ? C’est le scénario du film Le Pont des Espions (2015) de Steven Spielberg. Il y est raconté (avec des parts de fiction) l’échange d’espions le plus célèbre de la Guerre Froide. Revivez ce grand évènement, puis le plus grand échange de la Guerre Froide en nombre d’espions.
Abel contre PowersEn juin 1957, Rudolf Abel est arrêté à New York dans sa chambre d’hôtel pour être resté illégalement aux Etats-Unis et pour soupçons d'espionnage. Interrogé par le FBI, il révèle qu’il est bien un ressortissant de l’URSS après avoir été confronté au matériel d’espionnage retrouvé chez lui, mais refuse toujours d’admettre être un espion. Il est donc poursuivi au tribunal par le gouvernement américain, avec comme preuve potentielle ce matériel retrouvé chez lui. James B. Donovan accepte de défendre le supposé espion. Début 1960, l’avocat réussit à éviter la peine de mort à son client en arguant la possibilité d’un échange avec un espion américain dans le futur. Il échoue cependant à le défendre devant la Cour suprême, qui condamne Abel à 30 ans de prison. Le 1er Mai 1960, le pilote américain Francis Gary Powers est envoyé en mission de reconnaissance en Sibérie occidentale. Son avion est atteint par un missile sol-air soviétique, ce qui le force à sauter en parachute. En atterrissant, il ne prend pas sa capsule de cyanure et se retrouve condamné à 10 ans de prison. James B. Donovan est alors envoyé en Allemagne de l’Est pour négocier un échange de son client Abel contre Powers. Il y négocie secrètement en parallèle la libération d’un étudiant américain, Frederick Pryor, avec les allemands de l’Est. Il parviendra à obtenir un échange de 2 pour 1, l’étudiant et le pilote contre Rudolf Abel. L’échange entre Abel et Powers s’effectuera sur le pont Glienicker, qui relie Potsdam et l’Allemagne de l’Ouest, le 10 février 1962. Frederick Pryor sera libéré à Checkpoint Charlie au même moment.
Un échange de 29 espionsSur le même pont 23 ans plus tard, 25 agents du bloc de l’Ouest sont échangés contre 4 agents du bloc de l’Est, le tout retransmis à la télévision. Cette histoire ressemble à de la fiction mais elle est pourtant bien réelle. Sur la chaîne de télévision ouest-allemande ARD, le 11 juin 1985 à midi, on pouvait voir de belles voitures et des limousines déposer les agents sur le pont Glienicker. 3 ans plus tôt, un marché est conclu entre Washington et Moscou en collaboration avec différents états d’Europe dont sont originaires les agents des deux côtés. Le deal est de 29 agents. Côté Est, 17 ouest-allemands et des européens. Côté Ouest, 4 est-allemands. Nathan Sharansky, dissident de l’URSS emprisonné en 1977, sera libéré le 11 février 1986 sur ce même pont.
Ce genre d’évènement peut paraître lointain et digne de films. Pourtant, un échange similaire a encore eu lieu en 2010. A l’aéroport de Vienne, un avion américain transportant 10 espions russes s’était posé peu de temps après un avion en provenance de Moscou, qui transportait 4 russes dont 3 avaient été condamnés pour espionnage au profit de pays d’occident. Un échange digne de la guerre froide selon les experts, qui ne s’est pas reproduit depuis.